Ce mercredi 25 novembre 2015, nous avons eu l'insigne honneur et le privilège de recevoir à la tribune de "Carrefour d'actualité" M. Ndongo Samba SYLLA ; un jeune économiste sénégalais, chargé de recherche et de programme à la Fondation Rosa de Luxembourg pour l'Afrique de l'Ouest et vice-champion du monde de scrabble, également auteur de plusieurs ouvrages.
D'emblée convient-il de souligner que M. SALL est un jeune (la trentaine) qui est clairement en avance sur bon nombre de ses pairs. Il dispose d'une discipline, d'une courtoisie, d'une disponibilité et d'un calme fort remarquables. Il a également la maîtrise de son sujet et une clairvoyance et une pédagogie très limpides. Il est question de compte-rendu ici, et je pense important de préciser ces qualités chez la personne. Qualités qui nous ont permis de cerner bon nombre de notions et de concepts qui à notre sens étaient beaucoup biaisés et ingurgités inconsciemment.
D'abord sur le concept de l'émergence dont la plupart des pays africains se sont accaparé, l'économiste déclare qu'il y a en ce terme un vide sémantique. Il est vague et non défini. A la genèse, la fin de la seconde guerre mondiale. Au chaos qui a succédé cette guerre, il était décidé des programmes pour remettre les pays en selle. Naturellement et comme nous l'indique l'histoire, ceci a été fait non pas sur la base des réalités et besoins des pays visés, mais en s'appuyant sur les idéologies capitalistes et impérialistes. Ainsi peut-on comprendre que ces programmes étaient pour endiguer les économies de ces pays et enrichir les puissances. Au début, on parlait de développement économique (envol, pré-décollage, décollage, consommation de masse), ensuite il y a eu les pays sous-développés, les pays industrialisés, les BRICS, etc. Et aujourd'hui les pays à la "queue" tels le Sénégal et quasiment toute l'Afrique et le Tiers-Monde en général se font poireauter par cette arnaque. Il n'y aura jamais d'"émergence", jamais de "développement" car de la conception du programme (faite par des cabinets occidentaux; McKinson pour le Sénégal), à la réalisation (et encore...) en passant par le coaching, le financement, etc., tout se fait à et par l'Occident qui, en outre, n'en a que pour ses intérêts et le développement de son système où n'est nullement inclus l'essor de l'Afrique et du Tiers-monde. Il est à souligner en parallèle que le terme émergence n'est pas nouveau. En 1957, Richard Nixon, alors vice-président des Etats-Unis, avait fait un rapport après visite de l'Afrique qu'il a intitulé "L'Afrique émerge du colonialisme".
Ces programmes sont assis sur des aspects économiques tels le PIB et le taux de croissance or, poursuit notre exposant, ceux-ci ne prennent pas en compte les inégalités sociales et les commerces et rendements des opérations génératrices. En clair, les pays exportateurs de matières premières tardent à décoller et les populations ne bénéficient pas des retombées. Il en veut pour exemple la Guinée Equatoriale qui dispose d'un fort taux de croissance et d'un PIB de 15% (mieux que l'Espagne) alors que sa population fait partie des plus pauvres dans le monde. Ceci parce que le pétrole qui est la principale ressource du pays est détenu et détenu par les firmes occidentales ! A noter que la Guinée Equatoriale est le pays le plus riche d'Afrique. Cet état de fait est également causé par la politique des Plans d'Ajustements Structurels dans les années 1980 car tous ces bonds qu'observent ces pays ne font que "boucher les trous "occasionnés par ces programmes-brigands.
Il y a plus récemment les Accords de partenariat économiques (APE) qui sont des accords de libre-échange entre l'Europe et des pays de l'Afrique de l'Ouest. Ces derniers devront dans la convention ouvrir leur marché et permettre aux produits occidentaux d'y déverser leurs produits. Ces accords vont alors clairement paralyser et plomber l'économie de cette région et empêcher leur industrialisation. La bonne gouvernance a également été égratignée par M. SALL. Selon ce dernier, c'est un concept lancé et utilisé par la Banque mondiale pour éluder le terme Démocratie. C'est donc une notion erronée au même titre que la mal gouvernance.
Pour rester avec les institutions de Bretton Woods, le classement FMI plaçant le Sénégal parmi les 25 pays les plus pauvre du monde est aussi évoqué par le jeune économiste. Et c'est pour le considérer comme malvenu en ce sens que pour produire une telle statistique, il faut attendre 2 ans pour comprendre les retombées, la productivité, etc. car l'année en cours est comprise. Il précise que ce rapport est en réalité produit par des organismes et autres structures pour ensuite être soumis au FMI.
Pour terminer, je retiens cette réponse pleine de sens servie par M. Ndongo SYLLA à la question d'un étudiant faisant allusion à la bonne marche économique décrite par Abdou Latif COULIBALY dans son livre Le Sénégal sous Macky SALL : "Un intellectuel sérieux ne se focalise pas sur les productions sur fond de louanges et de caresse dans le sens du poil. Il doit plutôt se pencher sur ce qu'il y a de critique et qui dérange". Voilà qui est dit.