Pape DIOUF. Un nom qui résonne tel celui d'un héros sur les rives de la Canebière. Celui d'un homme, un noir, qui s'aura fait une place de choix dans le cœur des Toubabs qui lui vouent respect et considération. Pape Mababa DIOUF de son vrai nom, ce Sénégalais, journaliste de profession et ancien agent de joueur, suscite autant d'admiration que de questions. Quelqu'un à qui le nom fait une bonne publicité et un bon marché mais qui se veut toutefois effacé. De passage à Dakar, il est invité à la tribune du CESTI pour faire le tour de l'actualité qui, heureusement, n'a pas été terne. Morceaux choisis.
Pape Diouf sur l'"Affaire Lamine Diack"
"Cette affaire a avant tout été un coup de tonnerre. La tristesse m'a gagné, ensuite la surprise et l'angoisse. Voilà un homme, une sommité que nous avons toujours admirée et qui d'un seul coup nous apparaît sous une certaine forme. [...] Quand on évoque le procès-verbal, c'est comme une interview enregistrée. C'est crédible. Ensuite il y a le traitement. Les Sénégalais ont pour la plupart parlé en patriote, d'autres se sont accaparé de l'affaire par opportunisme selon leurs intérêts. Moi personnellement, avec les développements, j'ai pris du recul et mis de l'eau dans mon vin de patriote. [...] L'on dit qu'il y a une volonté de nuire à l'Africain, au Noir. Mais n'oublions pas qu'il y a beaucoup de têtes qui tombent en ce moment. Même Sarkozy a eu à être mis en examen. Et il faut dire quelque part que Diack a bénéficié de concessions. [...] Je ne crois pas que cette affaire puisse compromettre les chances d'un Sénégalais à un poste de ce niveau. DSK a connu pire et Lagarde l'a pourtant remplacé".
Pape Diouf et ses démêlées avec la justice française
"A cette enquête, il ne m'a été posé que des questions purement d'ordre administratif : comment se fait le transfert d'un joueur, son salaire, ... Des choses pour quoi on aurait pu convoquer tous les 10 anciens présidents de l'OM. [...] Vincent Labrune est le champion du monde toutes catégories des discussions Off avec les journalistes. S'il y avait une seule virgule de faux sur ma gestion, on l'aurait déjà éclaboussé. [...] A mon arrivée à l'OM, il y a eu un déficit de 4 millions d'euros. A mon départ, j'ai laissé 30 millions d'euros dans les caisses ; et ceci est vérifiable".
Pape Diouf sur la gestion des joueurs en fin de contrat
"Je ne dirai pas que c'est bien car je ne le pense nullement pas. Si des garçons comme les frères Ayew que j'ai fait venir et qui ont été formés à l'OM partent sans que le club n'en tire un radis, c'est malheureux. Gouverner c'est prévoir. [...] Pour prendre le cas de Ribéry. On le donnait pour partant avec ses exploits et lors d'une conf' de presse, j'ai clairement dit que je ne le céderai pas pour n'importe quelle somme. Il était à 3 ans de la fin de son contrat. Le lendemain, au bureau, ma secrétaire me fait savoir de Frank veut me parler. Je le fais attendre dehors, je prends le temps de lire mes journaux, je le faisais exprès. Je demande après un instant à la secrétaire de le faire entrer à l'attendant debout dans mon bureau. Dès qu'il entre, avant qu'il ne place un mot, je lui dis clairement que je ne le laisserai pas du tout partir et que si il refuserait de jouer, je l'enverrai en réserve. Maintenant, d'ici un à deux ans si nous recevrons une offre qui arrange tout le monde, là il pourra partir. Ensuite je lui ai laissé la parole, qu'il n'a pas prise depuis maintenant. L'année suivante il explosa et Bayern est venu".
Pape Diouf et la FSF
"Non, je ne suis absolument pas intéressé! Il y a ici beaucoup de gens disposant de plus de matières et qui connaissent le terrain mieux que moi. [...] Si aujourd'hui j'avais une baguette magique, j'en userai pour régler tous les problèmes du foot sénégalais. Mais je l'ai pas. [...] Moi je ne comprend pas pourquoi nos pays sont sous-développés, mais qu'on veuille coûte que coûte que le football soit développé ! Il y a à développer la santé, la culture, etc. [...] J'ai eu par le passé à aider le football sénégalais notamment quand il s'est agi d'amener Metsu. Heureusement, il y a eu un coup de bol".
Pape Diouf sur le football local
"Le mal en Afrique est que le ministre des Sports est en réalité le ministre de l'équipe nationale A du football. Si tout marche à ce niveau, il est zen. Au cas contraire, il est déboulonné. Aujourd'hui il ne peut pas y avoir d'éclosion sans l'érection d'infrastructures. Le succès du Cap-Vert trouve là son explication. Et il faut comprendre également que c'est bien à l'Etat d'ériger des infrastructures mais nullement à lui de financer le football pro".
Pape Diouf et le journalisme au Sénégal
"L'exercice du métier est très compliqué. Il y a des journalistes bien formés et de très bonne qualité. A côté il y a beaucoup de paramètres qui freinent l'éclosion du journaliste. Moi quand j'exerçais à La Marseillaise, mon journal me payait tout quand je me déplaçais. Mais quand, et c'est partout en Afrique, c'est le ministre qui s'occupe de tous les frais, ce journaliste ne bénéficie des mêmes latitudes et libertés que moi. [...] S'agissant des brebis galeuses, il faut noter que le journaliste est le métier supérieur où il ne nécessite pas forcément des études pour l'exercer".
Pape Diouf et la politique
"Je ne l'ai pas toujours vraiment aimée. Mais il a fallu à un moment casser les préjugés qu'on accolait aux Marseillais. On s'appesantit trop sur la violence qui sévit sur Marseille sans évoquer la genèse. Quand en 1940, les Noirs et Arabes ont débarqué sur la cité phocéenne, ils sont venus s'installer dans les banlieues. Ils ne vivaient pas de la meilleure des manières et la violence est naturellement venue. Mais on en était toujours avec les armes blanches. Mais maintenant avec les foyers de tension en Libye et dans le Moyen Orient, les armes ont atterri sur la ville et les jeunes en usent. Les politiques aujourd'hui n'évoquent pas tout cela car ces gens ne votent pas".
Son combat
"Mon combat aujourd'hui est de faire tomber le mur du racisme. Je crois moi que le racisme n'est rien d'autre que de l'ignorance et est par dessus tout l'oeuvre des cons. Ou du connard hein! Car on peut être connard sans être con, et est connard qui veut l'être. C'est ce que j'enseigne à ma fille de 10 ans".
Ses souvenirs à l'Olympique de Marseille
"Je retiens particulièrement le jour où on est allés gagner Saint-Etienne à leur terrain et le Bordeaux va concéder le nul à Lens ; résultats qui nous ont fait qualifier au Champion's League. Il y a également ce jour où on est allés obtenir le nul au Parc des Princes avec la réserve marseillaise. Ça a été un beau souvenir mais j'ai été injurié ce jour comme jamais je ne l'ai été. Des tribunes, des jeunes m'ont lancé : "Tes initiales te vont bien".
Propos rassemblés par Moka